Chacun de nous, sa vie durant, ne cesse de s’étonner d’être précisément celui qu’il est.
Un des aspects du sujet proposé pour commencer ce stage est inspiré par un texte de Roger-Pol Droit dans « 101 expériences de philosophie quotidienne » : imaginez que vous vous appelez vous-même, que vous vous hélez, que vous vous cherchez, que vous vous attendez. La première étape de votre composition consistera à utiliser la forme des lettres de votre prénom, mais avec un certain nombre de décalages :
- Vous allez inscrire ces lettres de façon à occuper l’ensemble de la feuille, que cela soit visible de loin. Visible, mais pas lisible.
- Ces lettres ne seront pas disposées dans leur ordre normal, mais dans tout autre ordre (arbitraire, alphabétique, anagramme…) Certaines lettres seront écrites à l’envers, en miroir, ou normalement. Elles seront toutes là, mais autrement.
- Elles seront tracées d’une manière qui relâchera le contrôle que vous avez sur leur apparence : vous préparez une peinture assez liquide, vous suspendez votre pinceau à une ficelle, et vous le traînez sur la feuille pour réaliser cette calligraphie pleine d’incertitude.
C’est votre nom que vous écrivez, c’est vous que vous appelez, vous êtes dans le familier d’un côté, mais dans l’inconnu quant à la graphie qui va se faire.
- A partir de cette première action graphique aux résultats imprévisibles, chacun cherchera (avec mon assistance au cours du stage) quel parti-pris pictural adopter pour continuer.
Accepter ne se peut
Comprendre ne se peut
On ne peut pas vouloir
Accepter ni comprendre
On avance peu à peu
Comme un colporteur
D’une aube à l’autre
L’art contemporain n’a cessé de chercher des voies nouvelles depuis plus d’un siècle : de l’impressionnisme au cubisme, du suprématisme à l’art conceptuel, de l’art minimal à l’arte povera, du pop art au graffiti, du body art au land art, … Un art anonyme et gratuit est peut-être une voie nouvelle, pour aujourd’hui ou pour demain.
Rendre anonyme toute œuvre et critique d’art. L’art changerait de façon aussi spectaculaire que l’interdiction d’héritage changerait le monde.
On pourrait très bien dire que l’art n’est pas obligé d’honorer le concept de propriété. Qu’il n’est pas fait pour être possédé, mais simplement pour être. ]
- Retendez le papier si besoin.
- Recollez ce qui a besoin d’être recollé.
- Affinez le traitement des surfaces, des contours, des couleurs, pour obtenir l’effet du neuf, du net, du frais.
La surface qui fait l’objet de vos soins attentifs ne vous appartient pas, elle vous a été confiée, et ne doit pas être séparée visuellement, plastiquement, de l'autre partie qui reste intouchée.
Faire du travail un service rendu aux autres, plus qu’un moyen d’affirmer son ego.
Une heure n’est pas une heure, c’est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats.
- Collage relief, puis monotype.
- Collage relief enduit de mortier, puis travail en pâte et lavis, délavage, frottage, ponçage, patine.
- Fond de papiers imprimés collés puis arrachés, lavis et glacis.
L’apparence des objets imaginaires ainsi créés doit permettre d’évoquer des usages inconnus.
On fait la perle. On est, on a le temps… On a le sourire du sabot… On a des genoux au bout des pieds… On a vendu ses monts. On a posé son œuf.
A chaque instant, l’objet t’appelle de silence pour que tu le nommes.
Jeudi 8 juillet 2010 - Jour 5 – Déplacement
Reprenez, dans une nouvelle réalisation, la composition « Peindre à l’heure » réalisée en 6 gestes sur 6 heures. En vous laissant toute liberté de la réinventer : organisation, couleurs, effets graphiques et plastiques. Le lien d’une composition à l’autre pourra être ténu, mais toujours sensible. Une nouvelle donnée est cependant apportée : la peinture sera réalisée dans un coin du jardin, ce qui suppose un déplacement, et les conséquences de ce déplacement.
Prévoyez matériaux, support, couleurs. Anticipez sur ce que vous allez faire, simplifiez-le éventuellement pour ne pas avoir trop de choses à déplacer, pensez aux conditions d’installation (par terre ? Sur chevalet ?...), à l’ensoleillement qui va changer au cours de votre travail.
Ce déplacement matériel, physique, sera aussi un déplacement mental dans votre manière de voir et faire votre peinture.
Je mets beaucoup d’ordre dans mes idées. Ça ne va pas tout seul. Il y a des idées qui ne supportent pas l’ordre et qui préfèrent crever. A la fin, j’ai beaucoup d’ordre et presque plus d’idées.
Vendredi 9 juillet 2010 - Jour 6 – Comme une danse
Consacrez du temps à revenir sur les peintures des 5 jours précédents : d’abord pour les regarder, en elles-mêmes et dans leur enchaînement. Puis pour les finaliser en tenant compte des liens qu’elles ont entre elles. C’est le dernier jour du stage, mais rien ne presse.
S’il y a une rupture dans l’histoire morale de l’humanité, c’est le jour où l’on a cessé de considérer la vie comme une danse pour n’y plus voir qu’une course.