Chapitre VI.C - Introduction
La musique, le théâtre, la littérature sont des arts qui s’expriment naturellement dans la durée. En revanche, la peinture est un objet en deux dimensions que l’on peut embrasser d’un seul coup d’œil, un objet qui a priori ne se déroule pas dans une durée.
Une telle affirmation est évidemment réductrice. Le rapport au temps de la peinture est multiple et complexe : une œuvre se construit dans un temps qui n’est pas seulement celui de sa fabrication matérielle, mais aussi celui de sa maturation dans l’esprit du peintre, en relation avec son métier et sa pratique. Certains peintres mettent un an à conclure une peinture, d’autres une heure, d’autres encore reviennent inlassablement sur leurs traces en reprenant un travail commencé dix ans auparavant. Un an, dix ans, une heure, chaque tableau qu’il soit réalisé vite ou lentement, est d’abord le fruit des années de pratique du peintre. Une pratique autant que possible dégagée des modes passagères, de l’actualité périssable, de la recherche de l’approbation.
De même qu’on différencie petit et grand format, on doit distinguer les tableaux fabriqués après un bref apprentissage de quelques mois, les compositions agréables mais simplement dans l’air du temps ; et les œuvres issues d’une pratique ancienne, régulière et profonde.
Facile à dire, moins facile à voir et à faire. Mais les plus grands peintres ont bien été, un jour, des peintres débutants eux aussi.
Illustration : Horloge immobile pour faire durer un temps libre, Yves Desvaux Veeska, acrylique sur papier 65 x 50 cm, 09/1995
Dans mon bureau de Mexico, je conserve la toile que quelqu’un peindra, dans des milliers d’années, avec des matériaux aujourd’hui épars sur la planète.
(Ce texte est extrait de Peindre en liberté n°2)
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