Régis Carré, notaire. Notaire ? Je ne connais que le Régis Carré poète, le Régis Carré peintre. Je connais le peintre-poète qui passe de longs moments, attentif, concentré, le regard aiguisé, devant une simple trace de couleur raclée d’un geste ample, avec une large spatule, sur une toile brute. Je connais l’homme solide, calme et souriant. Solide et plein de délicatesse, calme et empli d’énergie. Et la peinture qui vient de lui, simple et forte, décidée autant que nuancée. Cette peinture que je compare aux haïkus : concision, justesse, poésie. Régis Carré est poète. Régis Carré est peintre. Mais aussi, vendredi 30 mars 2012, Régis est mort. Et ceux qui l’aiment ont de la peine.
Des dizaines, des centaines de fois encore tu me captureras, tu me jetteras un sort et tu me retiendras prisonnier, monde de paroles et d’opinions, monde des hommes, monde de désirs intenses et d’angoisses fiévreuses. Mille fois encore, tu éveilleras en moi ravissement et peur avec tes lieder accompagnés au piano, avec tes journaux, tes télégrammes, tes faire-part de décès, tes déclarations de domicile et tout ton fatras infernal, toi monde de désirs et d’anxiété, opéra gracieux plein d’absurdités mélodieuses. Mais Dieu veuille que jamais plus ne disparaissent de mon esprit le sentiment de recueillement que m’inspire la précarité de toute chose, la passion des métamorphoses, l’acceptation de la mort, la volonté de renaître. Pâques reviendra toujours, éternellement le désir se muera en angoisse et l’angoisse en délivrance ; la mélodie de l’éphémère m’accompagnera joyeusement sur mon chemin, pleine d’acquiescement, pleine de consentement, pleine d’espoir.