La peinture à la trace

Comment avec sa peinture produire une forme, une composition, d’un seul jet ? Voici une proposition : 

1. Vous tendez une feuille de papier de 50 X 65 cm, grammage minimum 300g, et vous la divisez en 2 parties. Vous enduisez l’une des deux parties d’une couche fine et couvrante de gesso ou de blanc acrylique.
2. Pendant que cet apprêt sèche, vous confectionnez au moyen d’un autre papier de préférence rigide une forme géométrique obtenue par pliage, découpage et/ou assemblage ; la dimension de cette forme en papier dépassant légèrement le demi format enduit. 
3. Quand le fond de gesso est sec, vous préparez un mélange de couleurs de votre choix, mais contrastant avec le blanc (donc, pas de jaune, par exemple) en mélangeant pigments en poudre, ou couleur en tube, ou couleur en pot, avec une bonne dose de liant acrylique ou de médium, + éventuellement de l’eau, pour obtenir une consistance visqueuse et glissante.
4. Vous avez ensuite 4 opérations à effectuer en les enchaînant rapidement :

• Vous humidifiez votre feuille enduite avec un liant acrylique dilué.
• Vous badigeonnez dessus le mélange de couleurs que vous avez préparé au moyen d’une brosse large, en ne repassant pas deux fois au même endroit de façon à laisser des traces nettes et expressives.
• Vous appliquez fermement et rapidement sur cette surface de peinture fraîche la forme de papier préparée.
• Cette forme de papier va laisser une empreinte sur votre fond de peinture, et produire elle-même, quand vous allez l’appliquer sur le demi format voisin une autre trace avec la peinture dont elle aura été marquée. Dans l’illustration proposée, le papier enduit de peinture est resté en partie collé sur le 2e support, puis arraché en laissant des lambeaux de blanc d’un effet graphique expressif.

Dans cette façon de composer, le geste du peintre est enrichi par les propriétés des matériaux, du support et des outils qu’il utilise. Pour le peintre débutant, il ne s’agit pas d’imaginer mentalement ou visuellement sa peinture, mais d’apprendre à observer la matière, à la manipuler, pour obtenir des effets à la fois construits et inattendus. Pour le peintre plus expérimenté, il s’agit d’affiner son geste, de réaliser des variations à partir d’un processus simple autant qu’illimité.

Une fois les deux empreintes réalisées, plusieurs suites sont possibles. Le plus élémentaire est d’opposer à l’expressivité des traces obtenues un détourage en aplat de couleur unie. Il vous reste une forme picturale précise, comme un objet simplement posé là. Vous pouvez aussi tirer parti de la disposition en miroir des deux empreintes.

(Exercice proposé en stage, été 2002)