Un stage de peinture, c’est une création en soi. Chaque jour est à inventer, à composer. Si « un tableau est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées », un stage de peinture peut aussi être pensé comme une composition d’une semaine, où vont se rencontrer des peintres, expérimentés ou débutants, des sujets, des idées, des pratiques, des circonstances. Tous ces paramètres, « en un certain ordre assemblés » donnent naissance à des peintures qui peuvent être regardées séparément, mais qui sont aussi comme des interprétations de partitions en musique : des sujets ont été créés et écrits, mais chaque interprète les recrée à son tour.
Dans les stages tels que je les propose, un premier sujet est consacré à une création qui se développe au long de la semaine : la « peinture en six jours ». Son format est défini par sa surface, mais aussi par le temps de son élaboration. De l’instantané à la durée, le temps est un matériau dont chaque peintre ne doit pas se priver. Un second sujet est le point de départ d’une série de peintures : à partir d’une idée lancée le premier matin, chaque jour suivant voit arriver une nouvelle proposition en résonance avec ce que chacun a créé la veille. La composition d’une peinture en stage est tributaire de ses équilibres internes, mais aussi enrichie par ses relations avec celles qui l’ont précédée, enrichie encore par les interprétations réalisées par d’autres peintres dans le même temps.
En peinture, il y a la couleur, la matière, le dessin, le sujet, la composition. Auxquels s’ajoutent les circonstances, les personnes, le temps qu’il fait, la durée, le lieu où l’on peint, les moments de pause : tout participe à l’élaboration de chaque tableau. Se laisser traverser par cela permet de dépasser l’application de simples recettes techniques, pour donner naissance à de vraies œuvres. Cela prend un peu plus d’une semaine, certes, et requiert une pratique régulière, mais on peut commencer et recommencer à tout moment, comme les saisons qui se succèdent et se renouvellent sans cesse, naturellement.
* Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. (Maurice Denis, 1870-1943)
Dès ses débuts dans les années 1950, Yoko Ono participe à l’ébullition de l’avant-garde new-yorkaise. C’est alors qu’elle « produit » (comme ce mot lui va mal !) ses premières Instruction Paintings : « La peinture-instruction divise la peinture en deux fonctions différentes : l’instruction d’une part et la réalisation de l’autre, précise-t-elle. L’œuvre devient une réalité quand on la réalise. Les instructions peuvent être réalisées par de très nombreuses personnes de façon très différentes. Cela permet à l’œuvre d’exister sous d’infinies variations que l’artiste elle-même ne peut prévoir. Et cela y introduit la notion de temps.