Fonction esthétique : relation message / message.
La peinture cesse d'être l'instrument de la communication pour en devenir l'objet. Au-delà des fonctions émotives et conatives, elle vaut avant tout pour elle-même. Le personnage couché (ci-dessous) est anatomiquement aberrant, mais esthétiquement juste car il exprime les sensations voulues par l'auteur : le calme mais avec quelque chose de frétillant dans l'air, le bonheur, et tout ça.
Peinture d'Anne-Marie Lefèvre
Fonction phatique : relation message / le fait d'émettre un message.
La peinture n'est pas là que pour être là. Son contenu ni sa forme n'ont vraiment de sens. L'important c'est de participer.
Fonction métalinguistique : relation message / code utilisé.
Une mère qui étreint son enfant, leur échange de sourires... Mais un traitement plastique dur, déchiré, noir : le décalage entre le sujet et sa représentation en transforme le sens.
Peinture d'Yves Desvaux Veeska, 1989
La fonction esthétique est prédominante dans l'appréciation "grand public" de l'art, ce qui explique le succès de l'impressionnisme et de Matisse... En revanche, une grande partie du public spécialisé et des professionnels ne jure que par la fonction métalinguistique, dans le sillage de Marcel Duchamp. 1917 : urinoir fabriqué en usine (Ready-Made) exposé comme sculpture sous le titre de "fontaine". Question posée par cette provocation : l'art existe-t-il en soi, ou existe-t-il du fait qu'il est considéré comme tel par un artiste, une institution, une société donnés ? À noter qu'aujourd'hui la provocation duchampienne, répétée à satiété, a fini par transformer ce fameux urinoir en "tarte à la crème". Les autres fonctions trouvent facilement à s'illustrer par des exemples connus de tous : la fonction émotive : Van Gogh. Fonction conative : le "Guernica" de Picasso. La fonction phatique enfin s'exprime au-dessus du buffet : on plante souvent là un tableau pour meubler un vide. Le contenu de l'œuvre est accessoire.
Quand on conçoit un tableau, on n'a évidemment pas en tête toutes ces fonctions. La convention des signes esthétiques n'a jamais le caractère de contrainte, de nécessité, de généralité des signes logiques : c'est ce qui lui confère son pouvoir créateur. Mais ces conventions, cette socialité des signes esthétiques existe cependant. L'artiste est celui qui, à partir de ces bases, crée de nouveaux sens en faisant évoluer la matière (le côté physique de la peinture, sa matérialité), la substance (son dessin, son apparence visuelle) et la forme des signes (leurs relations entre eux).
La connaissance de la structure du langage pictural (matière, substance et forme), mais aussi de ses thématiques, de ses symboliques, et du contexte culturel dans lequel il s'inscrit libère l'artiste de ses conditionnements, enrichit sa sensibilité dans un sens moins culturel, plus personnel. Aujourd'hui cette approche est un peu passée de mode et devient donc d'autant plus intéressante, parce que moins obligatoire et absolue.