Voici un commentaire de Kandinsky sur une des ses peintures, tel qu’il l’a écrit d’après des notes recueillies par ses élèves. Réinventez une peinture personnelle d’après ces notes.
I – MASSES (du point de vue du poids)
• Dans la partie inférieure au milieu : bleu (donne à l’ensemble une sonorité froide)
• En haut à droite : bleu, rouge et jaune séparés.
• En haut à gauche : ligne noire des chevaux, en noeud.
• En bas à droite : lignes étirées au long des gisants.
II – CONTRASTES
• De la masse à la ligne.
• Du précis au flou
• Du noeud de lignes au noeud de couleurs
• Contraste majeur : du mouvement tranchant acéré (bataille) aux couleurs à la fois claires froides et douces.
III – DEBORDEMENTS
• De la couleur sur les contours.
• Délimitations parfaites, sauf pour le Burg, où elles sont affaiblies par l’écoulement du ciel au-delà du contour.
IV – DEUX CENTRES (Séparés l’un de l’autre par deux lignes noires verticales : javelots)
• Noeud de lignes
• Pointe modelée du bleue
La composition toute entière est très claire de conception, avec de nombreuses teintes douces qui débordent souvent l’une sur l’autre (dissolutions). Le jaune aussi est froid. Cette froideur claire – douce par rapport au mouvement acéré (guerre) constitue le contraste majeur du tableau. Le contraste est fort, dur, distinct, ce qui présente comme avantage d’avoir un effet plus précis, et comme inconvénient une trop grande clarté dans la précision.
A la base, il y a les éléments suivants :
1. Harmonie des masses paisibles entre elles.
2. Paisible mouvement des parties, surtout vers la droite et vers le haut.
3. Avant tout, mouvement acéré vers la gauche et vers la droite.
4. La contradiction dans les deux directions : en direction de la droite, des formes plus petites vont vers la gauche, et inversement.
5. Harmonie des masses avec les lignes qui sont simplement posées comme telles.
6. Contraste entre les formes floues et celles qui ont un contour précis (donc la ligne en tant que ligne, et en tant que contour où elle a la résonance d’une ligne.)
7. Le débordement (l’effusion) des couleurs au-delà des frontières de la forme.
8. Le primat de la résonance des couleurs sur celle de la forme.
9. Dissolutions.
Mars 1991. Extrait de Regards sur le passé de W. Kandinsky. Paris,
Hermann, 1974. Page 133 : commentaire de tableaux.
N.B. Les mots « chevaux », « gisants », « bataille », « Burg », « ciel », « javelots », sont à prendre comme des métaphores. Kandinsky est le premier théoricien de la peinture abstraite occidentale moderne (1910 : première aquarelle abstraite).
Françoise Fourcault