Or donc un homme peut esquisser quelque chose avec sa plume, sur une demi feuille de papier, en un seul jour, ou la tailler dans un petit morceau de bois avec un petit bout de fer, et il adviendra que cette chose soit meilleure, plus artistique que le grand œuvre d’un autre homme où il aura investi toute une année de labeur.
L’art a ses limites, l’imagination n’en connaît point.
L’art doit toujours rester jeune, sauvage même. La science, la civilisation, la règle le tuent.
Ce qu’est l’art, seulement la vie à une plus grande échelle.
Le plaisir aristocratique de déplaire.
Je veux que la fréquentation d’un maître me rende à moi-même. Toutes les fois que je sors de chez Poussin, je sais mieux qui je suis.
L’art, c’est la contemplation (…) C’est la joie de l’intelligence qui voit clair dans l’univers et qui le recrée en l’illuminant de conscience.
Nous avons l’art pour ne pas périr de la vérité.
Il n’est pas de problème dont l’œuvre d’art ne soit la suffisante solution.
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L’art naît de contraintes, vit de luttes, et meurt de liberté.
Le monde nous gratifie de peu de chose à présent, il semble n'être que vacarme et angoisse ; cependant l'herbe et les arbres continuent de pousser. Et même si un jour la terre entière est recouverte de blocs de béton, le grand ballet des nuages se poursuivra dans le ciel ; ici et là des hommes continueront d'ouvrir grâce à leur art la porte d'accès au divin.
Ma philosophie : détruire tous les cinquante ans villes et villages anciens, bannir la nature des limites de l’art, supprimer l’amour et la sincérité dans l’art, mais en aucun cas ne tarir la source vive de l’homme : la guerre.
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Nos ateliers ne peignent plus des tableaux, ils bâtissent les formes de la vie ; ce ne seront plus les tableaux mais les projets qui deviendront des créatures vivantes.
Il faut que l’homme se sente d’abord limité dans ses possibilités, ses sentiments et ses projets par toutes sortes de préjugés, de traditions, d’entraves et de bornes, comme un fou par la camisole de force, pour que ce qu’il réalise puisse avoir valeur, durée et maturité.
Au sens le plus haut, le mystère de l’art subsiste au-delà de nos connaissances les plus détaillées ; et à ce niveau-là, les lumières de l’intellect s’évanouissent piteusement.
L’une des missions de l’artiste est de donner à l’homme des outils pour connaître ses démons et apaiser ses peurs.
Il faut descendre jusqu’au chaos primordial et s’y sentir chez soi.
J’aime la main qui corrige l’émotion. J’aime l’émotion qui corrige la règle.
Tout l’effort de l’avenir sera d’inventer le silence, la lenteur et la solitude.
Le goût d’une époque n’est pas l’art d’une époque.
L’habitude dévore les objets, les vêtements, les meubles, votre femme et la peur de la guerre… L’art existe pour nous aider à recouvrer la sensation de la vie.
Le regard du public n’a jamais grandi aucun art.
— Vous n’aimez pas ? Pourtant, le public a aimé.
— Il est bien le seul.
En musique, le monsieur découvrant qu’il n’est à la hauteur ni de Chopin ni de Debussy trouve tout indiqué de démolir le piano.
La même démarche me fait chercher le bruit caché dans le silence, le mouvement dans l’immobilité, la vie dans l’inanimé, l’infini dans le fini, les formes dans le vide, et moi-même dans l’anonymat.
L’imagination sans la connaissance ne conduit pas plus loin que l’arrière-cour de l’art primitif, le gribouillis de l’enfant sur le mur ou le message du débile sur la place du marché. L’art n’est jamais simple (...) Quand l’art atteint des sommets, il est fantastiquement trompeur et complexe.
L’art ne résout rien. Il transcende seulement.
L’art en général et la littérature en particulier, ont été pour toi un solide et constant appui. Les œuvres que tu as eu le bonheur de rencontrer, tu ne les a pas abordées en esthète mais en affamé.
Moi aussi je me suis demandé si je pouvais vendre quelque chose et réussir dans la vie.
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Je refuse la délivrance d’un message clair… Comme si ce rôle pouvait incomber à l’artiste.
Ce que je cherche à atteindre, mon développement futur, c’est de ne plus rien faire du tout, le plus rapidement possible, mais consciemment, avec circonspection. Je cherche à « être » tout court. Je serai un « peintre » (…) Le fait que « j’existe » comme peintre sera le travail « pictural » le plus « formidable » de ce temps.
Le business est la forme la plus haute de l’art. L’art des affaires est l’étape qui suit les affaires de l’art.
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Regardez bien la surface de mes tableaux : il n’y a rien derrière.
C’est le côté intellectuel des choses qui m’intéresse, bien que je n’aime pas le terme d’ « intellect », trop sec, trop dénué d’expression. J’aime le mot « croire ». En général, quand on dit « je sais », on ne sait pas, on croit.
La culture, c’est ce qui fait la règle ; et l’exception, c’est ce qui fait l’art.
L’art véritable doit toujours rester en deçà de l’expression.
L’éden n’est pas fermé pour toujours, il se trouve dispersé au milieu des choses, et une des tâches de l’artiste consiste à le rendre visible à tous.
L’art, ça sert à opposer à la loi de la disparition générale, le régime exceptionnel de l’apparition.
La prière et la contemplation m’ont apporté quelque chose que je n’avais jamais connu en peignant, à savoir l’acceptation du monde tel qu’il est, sans nécessité de le transformer par une vision personnelle. Je cherchais toujours la perfection de la représentation, alors que je ne faisais qu’abîmer la réalité en voulant la figer. Dieu a mis la beauté partout, mais les hommes ne la voient pas parce qu’ils ont une conscience esthétique pervertie par la culture, par des règles établies, par le goût imposé. La vraie beauté n’est pas là où la cherchent les hommes, elle se tient au-dedans de chaque créature, enfouie. Les moines travaillent à révéler cette beauté-là, celle qui est au-delà, c’est pour cette raison qu’il leur faut se dépouiller de tout.
A la question de savoir pourquoi il faisait des livres, Borges répondait : pour moi, pour mes amis, pour adoucir le temps qui passe.
Ce calme précipité de transcendance dans la banalité étale du quotidien.
Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir sur la lune. Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier.
- La raie est un symbole sexuel.
- Mais ce n’est pas sexuel.
- Tu rigoles ! Il y en a même une qui s’appelle Mounine. On y voit au milieu une partie un peu renflée et fendue.
- Non, c’est une jante de voiture.
L’art est ce que l’artiste dit être l’art, l’art est ce que l’artiste fait.
Tu ne penses pas que l’ensemble des traces laissées par l’action d’un artiste, quelles qu’elles soient, deviennent aussitôt de l’art.
L’art n’est rien d’autre qu’un progrès patient vers une perfection produite par le travail. La gloire n’a aucune importance.
L’activité artistique est pour moi, fondamentalement, une quête spirituelle que tous les artistes mènent « comme si » et « bien que » (je veux dire, comme s’ils savaient d’où ils viennent, et bien qu’ils ne sachent pas où ils vont.)
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L’art, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art.
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Etre sans désir, sans décision, sans choix, conscient de soi-même, largement éveillé, assis tranquillement sans rien faire.
Utiliser une forme simple de façon répétée limite le champ de l’œuvre et concentre l’intensité, l’arrangement de la forme. Cet arrangement devient la finalité de l’œuvre tandis que la forme n’en est plus que l’outil.
… Le moment important est la conceptualisation de l’œuvre et non sa réalisation. L’exécution est une affaire sans importance…
Ce que tu évacues de tes peintures, ce sont seulement les idées et les concepts.
La véritable énergie de l’art est une énergie mentale. Mais elle n’est pas intellectuelle. L’émotion qui vient de l’esprit, c’est ça la force dynamique. Ce n’est pas la pensée analytique mais l’impitoyable remise en question qui crée le changement.
L’art n’est utile que dans la mesure où il réussit à produire des articulations originales pour assumer ou contredire des normes institutionnalisées.
Quand je pense à l’art, je ne pense pas à l’idée de faire quelque chose. Tôt ou tard, je pense à être. Pour moi, l’art reste lié à son origine, être. C’est aussi la manifestation la plus radicale du non-dit que l’on puisse produire, même si cela ne l’est pas vraiment actuellement. Et ce qu’il y a de plus opposé à nous. Peut-être que l’on fait ce que l’on ne peut pas être.
Être matérialiste veut dire qu’on s’implique avant tout dans les matériaux, alors que je m’implique avant tout dans l’art. On pourrait dire que les matériaux sont le sujet, mais que la raison d’être se situe au-delà des matériaux, dans cet ailleurs qu’est l’art.
De plus en plus, je cherche l’intemporalité. Les processus d’avant-garde m’agacent, et le genre de peinture le plus traditionnel possible qui consiste à faire son autoportrait, à prendre un modèle, à s’inspirer du paysage, je le prends comme une philosophie, un peu comme Gandhi qui faisait ses propres vêtements avec son rouet.
Je l’admirais. Tout l’Occident était là, dans cette hypocrisie extatique pour un veule barbouillage où il fallait voir du génie. Ce mensonge partagé était leur contrat social, leur mot de passe mondain, leur non-conformisme bien-pensant.
Le problème de l’artiste, c’est de trouver des moyens d’exposition pour une pensée.
L’art, c’est l’alternative à un monde qui n’offre pas d’alternative.
Ce qui m’intéresse dans les œuvres d’art éphémères, c’est qu’elles atteignent, d’une manière ou d’une autre, une sorte d’instant éternel. La possibilité de refaire les œuvres à tout moment leur permet d’échapper au temps, au vieillissement. J’aime l’idée que mes œuvres restent dans des dossiers et que ce soit simplement l’énergie qui puisse les faire renaître. S’il n’y a pas d’envie, les choses restent dans les dossiers et c’est très bien.
J’ai encore plus de mal avec l’artiste qui transcrit la laideur par la laideur, la bêtise par la bêtise, la beauté par la beauté, la destruction par la destruction, la nausée par la nausée ! Comment solliciter la rêverie d’autrui par cette voie primaire ? Le début de l’aventure, c’est quand on n’a plus que son regard intérieur pour construire.
Le rôle d’un artiste n’est pas de s’investir dans le commerce de ses œuvres, mais de s’inscrire dans la société, de transmettre, d’élargir la connaissance.
Après ma mort, je souhaite que d’autres continuent à jouer mes propres partitions.
J’utilise l’art pour contester l’ordre établi, mais peut-être que j’utilise simplement la contestation pour promouvoir mes œuvres.
Extrait de "Citations etc"
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