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Peindre ? Qu'est-ce que peindre ?

14 Décembre 2011, 15:59 Citations etc

Le saule peint le vent sans pinceau.
Haïku.

Avant de peindre un bambou, il faut que le bambou pousse en vous. C’est alors que, pinceau en main, le regard concentré, la vision s’impose à vous. Cette vision, saisissez-la aussitôt par les traits de votre pinceau, car elle peut disparaître aussi vite que le lièvre à l’approche du chasseur.
Su Tung-po (1037-1101)

J’ai fait cet album par caprice, en suivant la forme des choses, les arrangeant sur le papier en obéissant seulement à l’oisiveté et au contentement qui baignent ma vie. Si vous me cherchez dans mes peintures, vous trouverez que je suis quelque part en dehors d’elles.
Shen Zou (1427-1509) peintre chinois, dans Poèmes sans paroles par Anne Kerlan-Stephans

Notes dans Les propos sur la peinture du moine Citrouille-Amère, traduction et commentaire de Shi Tao par Pierre Ryckmans :
« Avoir l’encre et avoir le pinceau » : l’encre = l’aisance, la formation technique. Le pinceau = l’esprit de la vie.
« Chair et os, expansion et unisson, substance et fonction, forme et dynamisme, inclinaison et aplomb, ramassement et bondissement, latence secrète et jaillissement, élévation altière, jaillissement abrupt, hauteur aiguë, escarpement fantastique et surplomb vertigineux. » (Termes employés pour la peinture de paysage)

Commencer un tableau avec l’intention délibérée de faire de la bonne peinture, c’est s’exposer à un échec. Le succès est plus sûr quand on met en mouvement sa pensée et en branle son pinceau sans intention délibérée. Car alors la main ne se contractera pas, ni ne se figera l’esprit. Le tableau est sans que l’on sache au juste quand il est bon.
Chang Yen-Yuan (Dynastie T’ang) dans Souffle-esprit de François Cheng (1989)

Attentifs au moindre geste, ils se conformaient, jusque dans l’aménagement de leur lieu de travail, aux règles de l’élégance.
Nicole Vandier-Nicolas, Art et sagesse en Chine, Mi fou (1051-1107)

Bien peindre, ce n’est pas reproduire, mais voir l’âme.
Saint Jean.

Le travail manuel dans la peinture ne lui est pas plus essentiel que l’acte d’écrire dans la poésie.
Léonard de Vinci (1452-1519).

Les broyeurs seraient au même rang que les peintres si le dessin n'en faisait la différence ; car ils emploient les couleurs comme eux et savent presque aussi bien comment il faut les étendre.
Le Brun, peintre du roi Louis XIV (1619-1690)

Or je parle avec ma main, tu écoutes avec tes yeux. Ceci n’est point donné aux vulgaires de connaître. Tu le penses de même, n’est-ce pas ?
Shi Tao (1641-1720)

Supposez un pays où l’on n’aurait aucune idée de dessin, mais où beaucoup de gens, passant leur vie à combiner, mêler, nuer des couleurs, croiraient exceller en peinture […] Que si dans quelque nation voisine, on commençait à former quelque trait, quelque ébauche de dessin, quelque figure encore imparfaite, tout cela passerait pour du barbouillage, pour une peinture capricieuse et baroque ; et l’on s’en tiendrait pour conserver le goût, à ce beau simple, qui véritablement n’exprime rien mais qui fait briller les belles nuances, les grandes plaques colorées, de longues dégradations de teintes sans aucun trait… Que dirions-nous du peintre assez dépourvu de sentiment et de goût pour raisonner de la sorte, et borner stupidement au physique de son art le plaisir que nous fait la peinture ?
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine des langues (1750)

Ébaucher avec un balai, finir avec une aiguille.
Delacroix (1798-1863) Journal.

Peindre, c'est manger le monde avec son regard, en digérant ses couleurs comme on digère les viandes et les fruits.
Maupassant (1850-1893)

Je peins pour des gens très équilibrés, mais non dénués toutefois – très à l’intérieur – d’un peu de vice inavoué.
Félix Vallotton, 1920.

Il faut penser avant, après, mais pas pendant.
Pierre-Auguste Renoir (1841-1919)

Si vous voulez peindre, commencez par vous couper la langue.
Matisse (1869-1954)

Lorsqu’on ne représente pas les choses, il reste de la place pour le divin.
Mondrian (1872-1944)

Si j’étais peintre, je ne peindrais pas la chaise, je peindrais les sentiments et l’émotion que me procure cette chaise.
Bob Dylan

Le non-agir n’est pas tant de ne rien faire que de faire tout ce qu’il faut et de ne plus « intervenir ».
François Cheng, Le dit de Tianyi, 1998.

Picasso, quand on l’interrogeait sur sa méthode, disait : « la matière de mon travail, c’est le travail ».
dans Françoise Gilot raconte, film de Philippe Kohly, 2002.

Il ne faut pas peindre une pierre, mais le petit dieu qui se cache sous chaque pierre.
Jean Dubuffet (1901-1985)

Pour chaque peintre américain, il arriva un moment où la toile lui apparut comme une arène offerte à son action… Ce n’est plus avec une image dans l’esprit que le peintre s’approchait de son chevalet ; il y venait en tenant en main le matériau qui allait servir à modifier cet autre matériau placé devant lui. L’image serait le résultat de cette rencontre.
Harold Rosenberg, La tradition du nouveau.

Rien ne nous est donné directement. Le centre ne peut être atteint en une fois. Il faut des contournements, des retraits, des abandons, des réserves, des va-et-vient, la lente spirale des heures et leur dissolution en fumée. Il faut la solitude, le désert, l’horizon perdu de vue, l’oubli des évènements antérieurs et l’absence de recours. Tout est donné dans un temps qui n’est pas donné.
Nino Salomon, journal, dans Le maître des paons, Jean-Pierre Milovanoff (1997)

Je peins, je découpe, j’assemble, je repeins ou je gratte, je griffe, je ponce, je lisse. Pour après ne rien faire d’autre, peut-être, que re-découper, ré-assembler, repeindre encore, et tout le bazar.
Julio Pomar, Discours sur la cécité du peintre, 1987.

Kuo Ssu relate la manière de peindre de son père Kuo Hsi : « il avait l’habitude, lorsqu’il allait peindre, de s’asseoir près d’une fenêtre claire. Il mettait en ordre la table, brûlait de l’encens et disposait soigneusement l’encre et les pinceaux devant lui. Ensuite, il se lavait les mains, comme pour recevoir un hôte distingué. Il restait silencieux longuement, afin de calmer son esprit et de rassembler ses pensées. C’est seulement lorsqu’il possédait la vision exacte qu’il commençait à peindre. Il disait souvent sa hantise de se trouver devant sa propre œuvre avec un regard distrait.
François Cheng, Vide et plein, 1991.

Plus tard, m’ayant initié à l’art du trait et de la composition organique, le maître me dit : « La peinture chinoise est fondée sur un apparent paradoxe : elle obéit humblement aux lois du réel, dans toutes les manifestations de la vie visible et invisible, et dans le même temps, elle vise d’emblée la Vision. Il n’y a en fait pas de contradiction. Car le véritable réel ne se limite pas à l’aspect chatoyant de l’extérieur, il est vision. Celle-ci ne relève aucunement du rêve ou d’un fantasme de peintre, elle résulte de la grande transformation universelle mue par le souffle-esprit. Etant mue par le souffle-esprit, elle ne peut être captée par l’homme qu’avec le regard de l’esprit, ce que les Anciens appelaient le troisième œil ou l’œil de Sapience. Comment posséder cet œil ? Il n’y a pas d’autre voie que celle fixée par les maîtres Chan, c’est-à-dire les quatre étapes du voir : voir ; ne plus voir ; s’abîmer à l’intérieur du non-voir ; re-voir. Eh bien lorsqu’on re-voit, on ne voit plus les choses en-dehors de soi ; elles sont partie intégrante de soi, en sorte que le tableau qui résulte de ce re-voir n’est plus que la projection sans faille de cette intériorité fécondée et transfigurée. Il faut donc atteindre la Vision. Tu t’accroches encore trop aux choses. Tu te cramponnes à elles. Or les choses vivantes ne sont jamais fixes, isolées. Elles sont prises dans l’universelle transformation organique. Le temps de peindre, elles continuent à vivre, tout comme toi-même tu continues à vivre. En peignant, entre dans ton temps et entre dans leur temps, jusqu’à ce que ton temps et leur temps se confondent. Sois patient et travaille avec toute la lenteur voulue. »
François Cheng, Le dit de Tianyi, 1998.

La peinture offre aux timides et aux rêveurs des abris, des moments de grâce.
Jean-Louis Scheffer, Beaux-Arts 09/99.

La peinture n’est pas un travail. Ce n’est pas parce que je le fais bien que le tableau est bon.
Paul Rebeyrolle (1926-2005)

Peindre, c’est passer du cri au chant.
Pierre Desvaux.

Le problème de la création picturale n’est ni technique, ni même esthétique. Il est plutôt d’ordre éthique et philosophique.
D’après Nicole Vandier Nicolas, Art et sagesse en Chine. (1967)

En québécois, peindre un objet signifie : le représenter. Peinturer un objet signifie : peindre dessus.

Peindre, c’est faire ce que fait un enfant lorsqu’il traverse un bois et qu’il chante pour exorciser la mort.
Markus Lüpertz (peintre allemand né en 1941)

J’aime peindre parce que j’aime vivre (…) Le peinture a fait d’un intellectuel aux mains soignées un artisan. Elle a fait davantage : grâce à la peinture, je suis devenu l’artisan de moi-même.
Régis Carré

…Depuis toujours la même image du monde : celle d’un continu, (…) il y a sans doute une peinture sans cadre ni milieu, sans envers ni endroit, sans haut ni bas, qui n’emprunte rien au jeu de la représentation, sans le décalage entre l’idée et la forme, sans l’opposition entre le peintre et le spectateur, une peinture qui l’invite et non qui l’agresse, sans fond ni forme, une peinture « une » qui est toute matière ; c'est-à-dire tout esprit…
Alain Plouvier, peintre, lettre à un ami, Claude Lagoutte

Peindre est un moyen de pénétrer en soi, de se découvrir, de prendre connaissance de tout ce qui dort ou s'agite dans le for intérieur, puis de figurer ce qui exige de prendre de forme.
Charles Juliet (1934-)

 

 

Citations-etc,-couv Extrait de "Citations etc"
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