Effilé, soyeux, agile, il va et vient, léchant délicatement dans la palette une goutte de peinture pour l’apporter sur le papier : le pinceau d’Abarca, dans la main de Matilde, sait où il va.
Où va-t-il ? Cet outil si fin et léger, et si déterminé. Il va pour bâtir. Le pinceau de Matilde Abarca, aux ordres de Matilde Abarca, bâtit des villes. Quand d’autres bâtisseurs mobilisent des millions de personnes, des générations, des siècles d’histoire pour faire naître et croître leurs fébriles capitales, Matilde Abarca dans le calme de son atelier, seule et à mains nues, érige des cités de papier où se croisent en silence les rêves monumentaux des grands hommes, avec d’autres rêves. Les nôtres.
Matilde Abarca nous fait rêver devant ces villes comme si elle avait le pouvoir de nous emmener en voyage. Comme si elle avait ? Elle l’a, ce pouvoir de nous transporter, de nous faire imaginer des romans (d’amour ?) en haut des escaliers, derrière les hautes fenêtres, sous les dômes, au recoin des porches, dans chaque détour que son pinceau a inventé.
Dans ces labyrinthes subtils où elle nous emmène, nous perd, nous fait nous retrouver, on comprend peu à peu que ces villes sont aussi le portrait ? le reflet ? de notre cœur ou de notre âme de spectateur. Soudain, nous avons quitté le terrain connu de notre vie de tous les jours et Abarca nous montre les demeures secrètes où peuvent se réfugier nos émotions. Devant cette peinture, impossible de simplement passer : nous voulons l’habiter.