Quand on sème des graines dans le sol, on ne s’attend pas forcément à voir surgir des fleurs ou tout autre végétal dans l’instant. De même, l’artiste qui s’installe à son chevalet pour peindre des fleurs doit penser au temps que met la nature pour produire ces formes, ces couleurs, ces senteurs, ce toucher, tout ce qui constitue l’existence de cet être vivant singulier qu’est une fleur.
Avant de devenir ce qu’elle est, la fleur vient de loin : nombre d’évolutions, de maturations, voire de mutations ont précédé l’aspect qu’elle nous présente au moment où nous la contemplons. Et, sans prétendre se mesurer à la Nature ou au Créateur, le peintre doit avoir la modestie - ou la prudence - quand il s’attaque à un tel motif, de prévoir un délai suffisant pour faire mûrir aussi sa peinture, qu’elle ait quelque chance de ne pas se contenter de reproduire superficiellement un contour et une couleur schématiques. Tel un jardinier savant qui connaîtrait intimement son sol, ses engrais, les microclimats de son jardin, la généalogie de ses plants et l’histoire de la botanique, le peintre de fleurs doit étudier non seulement le motif qu’il veut interpréter, mais réfléchir aux outils qu’il doit choisir, aux matériaux qu’il doit privilégier, tant la peinture que le support qui va la recevoir. Connaître aussi ce que d’autres peintres avant lui ont fait de ce sujet : de Bruegel de Velours en Flandres au XVII e siècle, à Monet ou Van Gogh ou Klimt au 19e, jusqu’à Nicolas de Staël ou Andy Warhol au XXe, sans oublier les peintres naturalistes qui parviennent à la beauté par l’approche scientifique.
Ainsi habité par son métier et sa culture, il ne reste plus au peintre qu’à tout oublier pour se mettre au travail, et laisser croître et s’épanouir sur sa toile des fleurs aux nuances aussi subtiles et mystérieuses que les connexions de sa sensibilité, de son intelligence et de son habileté manuelle.
Quand la peinture se frotte à la nature
Il y a les fleurs que produit la nature. Et celles que produit la peinture, quand vous la sollicitez au moyen de manipulations de la matière et des outils. Tel Max Ernst avec ses fleurs fantastiques obtenues par ses procédés de frottage : à l’instar des enfants qui frottent un crayon sur un papier fin recouvrant une pièce de monnaie, Max Ernst dans ses Fleurs de coquillage (1929 ; Paris, M.N.A.M.) a créé toutes sortes d’images, fleurs et autres, en décalquant des reliefs de vieux planchers, de murs, de parois diverses. En inversant la technique, vous pouvez aussi sur une surface de peinture humide déposer un papier froissé ou un objet plat et texturé, pour que les reliefs déposent leur empreinte qu’il ne vous reste plus alors qu’à retoucher pour les amener à ressembler au motif de votre choix.
Plant de peinture
En pensant au peintre Hundertwasser et à la « spirale végétative » qui circule dans tous ses tableaux, vous pouvez concevoir de peindre une fleur non d’après un modèle observé, mais d’après un processus de croissance. Imaginez-le de la manière suivante : vous « plantez » dans une feuille blanche une petite touche de couleur comme une graine ; puis vous étirez à partir de là une ligne colorée avec votre pinceau. Vous la ramifiez comme une tige réelle se ramifierait, ajoutant par moment, de droite et de gauche, une feuille, puis un pédoncule, des pétales, des étamines et du pistil. Vous continuez jour après jour à faire pousser ainsi votre plant, une fleur, puis deux, puis d’autres, et des tiges et des feuilles qui se multiplient et s’enchevêtrent, ou s’ordonnent. Vous peignez maintenant jour après jour au rythme où la nature fait naître et croître ses propres œuvres.
Le temps d’une fleur
Une fleur n’est pas constituée que d’un contour et d’une couleur : elle a aussi une durée, fugace ou vivace, qui nous parle de l’écoulement du temps, de la vie qui va et vient. Peindre une fleur, peindre des fleurs doit aussi contribuer à représenter cette perception-là. Par exemple, si vous préférez à la mise en page traditionnelle d’un bouquet, la composition d’une série de tableaux détaillant avec précision chaque étape de la naissance d’une fleur, de son développement, de sa flétrissure puis de sa refloraison, vous donnerez à voir non seulement la fleur, mais toute cette représentation du temps qu’elle évoque, et la mélancolique beauté cachée dans ces cycles d’existences.
Le bouquet impossible
La fleur, comme sujet de peinture, peut être travaillée d’après nature, ou encore d’après photo. Elle peut aussi être traitée sur le mode ornemental, par une combinaison de formes géométriques et répétitives. En réunissant dans un même tableau ces différents modes de représentation, vous avez la possibilité sur un thème aussi classique que le bouquet de fleurs, d’introduire un subtil parfum d’étrangeté qui n’appartiendra qu’à vous. Naturalisme et symbolisme réunis dans le même effet de touche de votre « coup de patte » personnel, produisent en effet une image absolument impossible à faire exister dans un vrai bouquet. Votre peinture n’imitera pas la réalité, elle sera elle-même sa propre réalité.
245. Fleur à la fenêtre - Peindre en liberté 2021
Dans la langue chinoise, il n'y a ni genre, ni conjugaison, de sorte que quand le poète dit qu'il regarde la montagne ou qu'il hume la fleur, il n'est pas certain que ce ne soit pas la montagne qui
https://www.peindre-en-liberte.net/2020/05/fleur-a-la-fenetre.html
Textes extraits de Peindre en liberté n°5, La figuration créative
Le paysage, le nu, le portrait, la nature morte
Idées et techniques pour peindre le réel
tel qu’on le voit, tel qu’on croit le voir,
tel qu’on le pense, tel qu’il surgit
de la peinture elle-même.
Un livre de chevet, ou plutôt un livre de chevalet, à garder près de soi quand on peint.
Pleine lune sur l'Ile de Pré Britenne - Fondation Veeska
Par l'art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n'est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient aussi inconnus que ceux qu'il peut
https://www.veeska.com/2021/03/pleine-lune-sur-l-ile-de-pre-britenne.html