Toute image est un texte et toute image a pour origine un texte. À la conception de toute image, il y a son projet, formulé par des mots. Et à la suite de toute image, il y a possibilité de la décrire, de la commenter (…). La langue est à l’origine de tout. On serait incapable de regarder une image, de la lire, si on ne savait pas parler. Pour comprendre une image, il faut posséder le langage. L’image elle-même est un mot.
Dimanche 3 juillet 2011, et 10 juillet - Jour 1
1.a S’appeler soi-même
Ce sujet est inspiré des « 101 expériences de philosophie quotidienne » de Roger-Pol Droit (2003) : vous allez tracer en larges lettres votre nom en haut d’une feuille, suivi d’un point d’exclamation, comme si vous vous appeliez vous-même, avec le vif désir de vous voir venir.
Travail sur une feuille libre, non tendue. Ecriture avec pleins et déliés, au moyen d’une brosse large (spalter 50 mm). Les lettres de votre nom doivent occuper le côté supérieur de la feuille en le débordant à droit, à gauche et en haut, et être tracées avec une couleur liquide sur la feuille tenue verticalement, de façon à provoquer des coulures. Le prénom ne sera pas forcément lisible, sinon par vous.
Laissez reposer ce premier tracé avant d’intervenir dessus.
Peintures de : Daniel Diot, Evelye Massé.
2.a Souvenirs en pièces détachées
Sur une deuxième feuille vous allez dessiner, de façon éparpillées et à l’aveugle, des « pièces détachées » issues du souvenir de détails de dessins et peintures antérieurs.
Peintures de : Martine Durand, Lisa Fabre.
Je prétends que l’imagination est une forme de mémoire (...) Une image dépend du pouvoir d’association, et l’association est fournie et alimentée par la mémoire. Quand nous évoquons un souvenir personnel très vivace, nous rendons hommage non pas à notre faculté de rétention mais au mystérieux esprit de prévoyance de Mnémosyné qui a conservé tel ou tel élément dont l’imagination créatrice pouvait avoir besoin pour le mêler avec des souvenirs et des inventions d’une époque plus récente. A cet égard, la mémoire et l’imagination sont toutes les deux des machines à voyager dans temps.
Lundi 4 juillet 2011, et 11 juillet - Jour 2
1.b
[Les peintures « s’appeler soi-même » sont finalisées en fonction de la présentation commentée de la veille au soir]
2.b
Reprenez la feuille « Souvenirs en pièces détachées ». Préparez des couleurs liquides dans la palette de votre choix. Recouvrez de mortier, éventuellement enrichi de sable, vos dessins d’hier, puis grattez ce mortier frais pour en faire réapparaître des traces. Sur ce fond encore humide, versez vos couleurs liquides dont la teinte se dégradera légèrement par le contact avec le mortier. Quand ce fond aura séché, vous reporterez dessus des traces, détails, citations de la peinture d’hier (« s’appeler soi-même ») pour créer une parenté visuelle avec elle.
Seule une personne de compréhension réduite désire arranger les choses en séries complètes. C’est l’incomplétude qui est désirable. Dans les palais d’autrefois, on laissait toujours un bâtiment inachevé, obligatoirement.
Mardi 5 juillet 2011 – et 12 juillet
Evolution / réinvention
Préparez deux fonds noirs, dont l’un avec des nuances bleutées ou rougeâtres. Préparez deux autres feuilles pour réaliser un collage en relief (découpes de papier collées sur papier, 224 g mini). Ces découpes seront la réinterprétation schématisée de la composition de la veille (2.b). Les formes découpées seront utilisées pour être collées, le papier dans lesquelles elles sont découpées sera conservé pour servir ultérieurement de pochoir.
[Le fait de passer d’une composition au pinceau, avec couleur et mortier, à une nouvelle composition au trait découpé au cutter, induit un changement de nature de celle-ci ; au même titre que la peinture de paysage n’est pas le paysage. En changeant d’outil et de processus, vos compositions se génèrent les unes les autres en se réinventant]
Enduisez l’ensemble du collage relief (creux et pleins) de gesso non dilué mais non crémeux, appliquez aussitôt sur chacun de vos deux fonds noirs, sans remettre de gesso entre les deux applications (monotypes)
Après séchage du collage relief, enduisez-le d’une autre couleur pour faire une deuxième impression sur l’un de vos monotypes. Réalisez ainsi 2 à 4 passages, voire plus, pour obtenir une mise en couleur de votre composition sous la forme d’un pointillisme aléatoire. Pour chaque nouvelle impression, appliquez votre nouvelle couleur sur l’ensemble du collage, pour éviter un effet de zonage. Mais appliquez-la avec une intensité variable, pour évitez que chaque passage ne recouvre trop le précédent.
Monotypes et peintures de : Marina Cionna, Martine Rué.
A l’issue de ces opérations, le collage relief sera lui-même teinté par les couleurs successives qu’il aura permis d’appliquer, avec un effet de patine. Cet effet peut être enrichi par d’autres passages de couleurs mélangées à du liant acrylique, qu’on laisse aux trois-quarts sécher avant de le frotter avec une éponge ou un chiffon humide.
L’un des deux monotypes est laissé en noir et blanc.
3.c Peinture avec le temps
Peignez la 3e bande en rapport avec la recherche du jour.
Quatre mots-clés de la science aujourd’hui, selon Jean Audouze (astrophysicien) : simplicité, beauté formelle, réduction, unification.
Mercredi 6 juillet 2011 – et 13 juillet
Réinvention / débordement
Prenez la partie pochoir de la découpe d’hier, enduisez-la de gesso puis appliquez cette forme découpée et enduite sur deux feuilles blanches pour y déposer des traces. Laissez sécher pochoir et feuilles. Préparez une ou plusieurs couleurs liquides.
Mouillez de façon partielle et irrégulière une des feuilles enduites, et posez le pochoir dessus. Mouillez le pochoir lui-même, puis passez avec une brosse très mouillée vos couleurs liquides dans les formes du pochoir, pour en marquer le dessin sur la feuille du dessous. Cette feuille étant mouillée, le dessin apparaîtra, mais transformé par les débordements de la couleur. Sans attendre, pressez l’autre feuille blanche enduite de gesso sur le pochoir pour recueillir une autre empreinte et marquer également les traces de couleurs déjà posées.
Ce qui est recherché : la complémentarité entre la rigueur sèche du pochoir, et les débordements des couleurs liquides. Mettez en forme ces effets colorés obtenus avec cette idée : trouver le moyen le plus simple, le moins interventionniste, pour qu’ils cessent d’être des taches pour devenir des formes choisies par vous.
Chez moi, on dit que lorsqu’on a beaucoup marché, il faut s’arrêter pour laisser à l’âme le temps de nous rejoindre. On ne peut pas toujours aller, il faut parfois revenir à soi.
Peintures de : Evelyne Massé, Catherine Morthelier, Marisol Lechien, Martine Herrmann.
3.d Peinture avec le temps
Peignez la 4e bande en rapport avec la recherche du jour
Il te tombe du ciel ce que tu lances dans le ciel.
Jeudi 7 juillet 2011
Débordement / attention
Prenez une peinture inachevée. Considérez-la comme un territoire à réhabiliter, par tranches. Définissez un périmètre à rénover, restaurer, reconstruire, soigner. Gardez un lien visuel avec les parties de votre peinture laissées sans intervention. Que la relation entre le fini et le brut donne sa beauté au brut. Que le soin apporté aux parties soignées exprime l’idée d’une attention particulière, bienveillante, à l’égard de chaque forme, de chaque trace de couleur.
Il faudrait accomplir toutes choses et même et surtout les plus ordinaires, ouvrir une porte, écrire une lettre, tendre une main, avec le plus grand soin et l’attention la plus vive, comme si le sort du monde et le cours des étoiles en dépendaient et d’ailleurs il est vrai que le sort du monde et le cours des étoiles en dépendent.
Peintures de : Daniel Diot, Claire Mossaz.
3.e Peinture avec le temps
Peignez la 5e bande en rapport avec la recherche du jour.
Ne vous préoccupez pas des questions auxquelles vous ne pouvez pas répondre. Pratiquez et encore pratiquez.
Vendredi 8 juillet 2011
Attention / lâcher-prise
Peinture splashe (reprise de l’exercice n°71)
Cette idée est toute simple : vous jetez vivement de la peinture sur une feuille. Une bonne décharge d'énergie comme principe de composition.
Derrière la simplicité de cette action, bien des nuances sont à découvrir. Pour cela, prévoyez plusieurs feuilles, pour tester le geste, et la consistance de la matière : ni trop liquide, ni trop pâteuse. Prévoyez un récipient genre bol. Vos préparatifs sont minutieux et patients, pour doser la peinture, préparer le terrain pour la projeter, trouver le bon geste. Faites plusieurs essais, mais chaque essai ne comporte qu'une projection, pour garder l'énergie sans la perdre en dégoulinures embrouillées. Après chaque action, regardez tranquillement la peinture sécher sans rien faire. Savourez ce moment où vous laissez l'eau, les pigments, la pâte, le papier, la force de gravité, l'air, se débrouiller entre eux. Il vous est permis à ce moment-là de vous sentir un démiurge pendant quelques instants, mais n'en abusez pas. Après, la peinture ayant séché, vous pouvez revenir dessus avec un pinceau fin et délicat. Glissez-vous dans le lit de cette énergie captée comme un instantané, et circonvenez-la par quelques touches paisibles. Pas le calme après la tempête, mais le calme avec la tempête, et ils eurent beaucoup d'enfants.
Peintures de : Béatrice Bellest, Antoinette Goniva, Odile Montet, Florence Laurent, Yolande Gerdil.
Splashes - Peindre en liberté 2022
Alain Coquemer 2015-07 Anne Linot 2015-07 Anne-Marie Rabot 2015-07 Catherine Turpin 2015-07 Colette viet 2015-07 Danièle Mengual 2015-07 Elyane Meneaud 2015-07 Geneviève Boissière 2015-07 Martin...
L’art du raclage (reprise de l’exercice n°10 sur www.peindre-en-liberte.com)
Enduisez irrégulièrement une feuille de Canson avec de la colle à papier-peint (de préférence) ou un liant acrylique. Déposez en haut et vers le milieu, de ci de là, des traînées épaisses de couleurs contrastées. Raclez de haut en bas avec une règle la couleur sur toute la largeur de votre étude, pour qu’elle se mêle à la colle ou au liant humide en produisant des formes. Votre geste de raclage peut être modulé : soulèvement de la règle, glissement de côté. Cependant, pour ne pas brouiller la fraîcheur des formes produites par le simple mixage de la couleur raclée dans le liant, évitez les mouvements compliqués, ou les retours en arrière sur une surface déjà raclée. Cet exercice est particulièrement simple. Mais sa réussite n’est pas évidente : elle dépend du bon enchaînement des opérations, de la consistance des matériaux employés, de la rigueur du geste.
Peintures de : Anne Mozet, Monic André, Antoinette Goniva, Yolande Bernard.
la 6e bande, puis reprenez l’ensemble de la composition élaborée au cours de la semaine pour lui donner son unité.
Peintures avec le temps : Sylvie Bresson, Danièle Mengual, Nicole Hostachi, Annette Sandström, Marina Cionna, Yolande Gerdil, Odile Montet, Claire Mossaz.
L’observation commence à partir du moment où l’homme prend conscience de la mauvaise qualité de la précision de son regard.
Jeudi 14 juillet, vendredi 15 juillet 2011
Lâcher-prise / résister
Sur une feuille format raisin, définissez un cadre intérieur régulier ou non. Protégez soigneusement ce cadre pour mettre en valeur le contraste entre la partie matiériste et le papier nu. Récupérez des matériaux texturés à coller : cartons ondulés, chutes de pochoirs, ficelles, herbes, papiers froissés, sables… Créez un assemblage à partir de la forme des objets pour exprimer l’idée de barricade. Ou d'envol au-dessus de la barricade.
Autres peintures réalisées au cours de ces deux stages de juillet 2011 :
Peintures de : Claire Mossaz, Danièle Mengual, Elisabeth Ollier, Françoise Delmotte (I et II), Annette Sandström (I et II), Florence Laurent, Yolande Gerdil.